Des candidats élus ont beau s’en offusquer, des commentateurs ont beau dire que tout cela ne rime à rien, et même des analystes ont beau asséner qu’un mandat ne se joue pas qu’à son début, mais sur toute sa durée, quoi qu’on en dise, les 100 premiers jours d’un président de la République restent encore dans l’imaginaire d’un grand nombre d’observateurs, un étalon incontournable pour savoir quelle empreinte il laissera.
Généralement, on admet que c’est pendant cette période de cent jours qu’il dévoile son style de leadership, alors que son pouvoir et son influence sont souvent à leur apogée.
Dans le cas guinéen, depuis le coup d’Etat du 5 septembre on a une junte au pouvoir, par conséquent on n’a pas un président de la République élu, et l’on ignore jusqu’à quand celui qui est là restera au sommet de l’Etat, puisqu’il n’a pas de mandat et la durée de la Transition qu’il dirige n’est pas pour le moment connue.
Mais malgré tout, les 100 jours que le colonel Doumbouya vient de passer à la tête du pays, méritent qu’on s’y penche.
On peut dire qu’on a été épaté par du bon, déploré du moins bon, et quelquefois franchement amusé par le côté burlesque de certains faits.
Parmi les actions les plus applaudies, on peut citer la libération des prisonniers « politiques » et autres activistes opposés à un troisième mandat du président Alpha Condé ; la réouverture du siège du principal parti d’opposition, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo ; la baisse du prix du carburant ; et surtout la création d’une Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Tous ces coups d’essai sont perçus par certains comme autant de coups de maître qui ouvrent à l’ancien légionnaire la voie du succès, et partant celle d’une entrée dans l’Histoire de la plus belle des manières : en sauveur et en justicier !
Une posture qui a, hélas, nourri dans le passé des dérives et installé de manière durable dans le pays ce qui est souvent son pendant : l’exercice solitaire du pouvoir et le culte de la personnalité.
« Le succès est un mauvais professeur. Il pousse les gens intelligents à croire qu’ils sont infaillibles », écrivait Jules Renard.
Après avoir atteint son paroxysme sous
le Parti-Etat ; traversé la Transition tumultueuse de Dadis que d’aucuns n’ont pas hésité à comparer à Moise ; persisté dans le magistère de « monsieur sait tout », Alpha Condé en qui des quidams ont vu « un don de Dieu », il est à craindre que ce culte de la personnalité qui semble nous coller à la peau ne s’invite dans l’Etat-spectacle version CNRD. Si ce n’est déjà fait.
A la manière dont les décisions sont prises, à voir comment le casting des hauts fonctionnaires est fait, devant la propension de Doumbouya à jouer en solo, face à un Premier ministre-alibi qui semble réduit à inaugurer des chrysanthèmes, on n’est pas certain d’être sorti cette fois-ci encore de l’auberge de ce qui ressemble à s’y méprendre à de l’absolutisme. Même rampant.
Les pauvres manifestants du parti à la bannière jaune récemment éjecté du pouvoir, et leurs responsables envahis d’une peur bleue rien qu’à l’idée de se retrouver face à l’imposant hôte du Palais Mohammed V, en savent peut-être quelque chose.
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Last modified: 13 décembre 2021