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Redonner aux enfants du continent la joie de vivre et l’espoir de réussir (Oumar Katèb Yacine)

2 juin 2021

Depuis 1992, chaque année, le mois de juin est consacré en Guinée à la célébration de l’enfant. Des conférences et débats sont tenus, des manifestations de réjouissance organisées, des cadeaux distribués. C’est bien et beau de célébrer les enfants, les égayer et réfléchir sur leurs présent et futur. Mais, est-ce cela suffit pour leur offrir un avenir radieux si les décisions prises lors de ces évènements sont simplement rangées dans les tiroirs ? Pas évident ! Qu’à cela ne tienne. Il ne serait pas inapproprié de réfléchir sur les conditions d’évolution de nos enfants en Guinée et ailleurs dans le continent pour aboutir à des pistes de solution.

A l’orée de la 3ème décennie des années 2000, la situation des enfants dans le monde en général et les pays africains en particulier suscite interrogations et inquiétudes, vu les conditions précaires de leur évolution physiologique, intellectuelle voire psychologique.

Nonobstant les progrès enregistrés au niveau de la science, la technique et la technologie offrant des possibilités de créer un meilleur cadre de vie aux enfants, ceux de l’Afrique sont exposés à des conditions de vie hostiles à tout épanouissement dont l’être humain a besoin durant son cycle d’existence. En 2019, chaque jour, 14 000 enfants âgés de moins de 5 ans sont morts dans le monde parmi eux des milliers petits africains. Des  millions d’enfants ne vont pas à l’école, ne mangent pas à leur faim. Pour ceux d’entre eux qui vont à l’école, la majorité de ces petits écoliers, habitant les grandes agglomérations et les milieux ruraux dont les parents ont un revenu au-dessous de la moyenne vont au lit, la faim dans le ventre. Une faim qui cause un retard au développement de leur capacité cérébrale, impacte négativement leurs résultats scolaires, et ipso-facto va compromettre leur carrière. Des millions d’enfants aussi sont soumis à des tâches domestiques au quotidien, des corvées inadmissibles. Encore et encore, l’impunité aidant, beaucoup d’entre eux sont victimes des violences sexuelles, des punitions corporelles et des mariages précoces. Dans nombre de familles pauvres, l’enfant est une source de recettes pour assurer la popote. Pire dans les pays où l’Etat est fragile voire néant, comme c’est le cas des pays en conflit, ils sont exposés à la traite, à l’enrôlement dans des mouvements rebelles et terroristes où ils deviennent des enfants soldats ou esclaves sexuels. Une situation désorientant dangereusement leur avenir.

Au début du présent siècle, l’Afrique a entamé un tournant décisif de son développement socio-économique. Bien que sa performance à ce niveau reste encore fragile et moins tangible, le continent a amorcé un réel décollage vers le progrès. De sorte que même certains afro-pessimistes changent d’avis et croient en l’avenir du continent, y compris des spécialistes du développement. Ce qui fera dire à Tony Blair, ancien premier ministre britannique, dans un de ses brûlots en mai 2015 que le continent noir « est l’endroit le plus prometteur  sur la planète en raison de ses opportunités », lui qui décrivait quelques années au paravent « l’Afrique comme une cicatrice dans la conscience du monde ».

En observant la tendance démographique du continent, Dr Donald Kaberuka, Ex-Président de la Banque Africaine de Développement (BAD) fera noter que «  la croissance de la population dans des régions comme le Sahel reste très élevée, soit 3,9%, tandis que la migration interne a accéléré, avec 40% des personnes vivant maintenant dans des villes sans plan d’urbanisation et mal équipées, et subissant la misère et le chômage ». A ses dires, pour l’instant, les moteurs de la croissance limités ont besoin d’un accélérateur. Car la transformation économique est moins tangible tandis que les apports de secteurs économiques comme l’agriculture sont en baisse. A cela, il faut ajouter la fragilité « des économies africaines opérant encore à des niveaux inférieurs des chaînes de valeur mondiales. »

A cet effet, chaque année, des millions des jeunes devant entrer sur le marché du travail  ne trouvent pas d’emploi à cause d’une offre déficitaire ou inadéquate à leur compétence. Résultat, soit ils tombent dans la dépravation ou ils empruntent le chemin de l’immigration vers l’Occident, demeurant toujours pour la plupart des habitants de l’hémisphère sud comme un Eldorado. En dépit des milliers de morts dans la Méditerranée chaque année parmi ceux qui l’empruntent dans des embarcations de fortune pour atteindre l’Europe, rien ne décourage ces jeunes à cette aventure au risque de leur vie.

Et dans les zones touchées par le terrorisme islamique, nombre d’eux moyennant des rémunérations précaires que leur offrent ces mouvements djihadistes, tombent facilement dans le fondamentalisme radical les poussant ainsi à commettre des crimes odieux au nom d’un dogme religieux dont ils n’ont même pas le rudiment.

Eu égard au contexte que nous venons de dépeindre, alors que faut-il faire pour redonner aux enfants africains la joie de vivre et l’espoir d’avoir un épanouissement pour ce qui est de leur avenir ? Les pistes à explorer ne manquent pas pourtant ni pour les parents ni pour les gouvernants. Car si les premiers ont le rôle d’encadrement et d’éducation dans le foyer, les  seconds quant à eux, il leur est dévolu de définir et appliquer une politique à la fois sectorielle et globale pour offrir à chaque citoyen un agréable cadre de vie. Raison pour laquelle, nous allons accentuer la présente tribune sur quelques pistes qui incombent aux gouvernants africains selon une réflexion de l’ancien patron de la BAD.

Paix et sécurité dans tout le continent

A travers les gouvernements et les institutions régionales et sous régionales, il est impératif de construire un continent pacifique. Le principal défi à ce niveau est de renforcer la paix et la sécurité partout où elles sont faibles et de les restaurer dans les pays en conflit. Eteindre le conflit c’est libérer des millions des personnes, en majorité des enfants, piégées dans ces endroits et freiner les effets de contagion tels que les réfugiées, les personnes déplacées, la destruction de l’écosystème, la dépravation des mœurs, etc. Cette situation s’illustre par les défaillances de nos systèmes éducatifs et sanitaires, notamment les soins de santé primaire. L’épidémie de maladie à virus Ebola, pourtant maîtrisable, mais à cause des défaillances de nos systèmes sanitaires a fait des ravages que ça soit au Congo ou en Afrique de l’Ouest. Celle qui s’était produite entre 2014 et 2015 dans le triangle, Guinée-Sierra Leone-Liberia, a fait 11.300 morts, des milliers d’enfants orphelins. Conséquence, la réalisation des Objectifs du Millénaire, a pris un sacré coup. Et c’est dans ce contexte que vient la covid-19 dont on est loin d’appréhender tous les corollaires, vu que l’Humanité peine encore à venir au bout  de cette pandémie.

Une question de leadership

Les dirigeants doivent s’atteler à la réduction des inégalités tout en privilégiant l’inclusion sociale. Ceci s’explique par le fait que les enfants issus des familles ou milieux pauvres fréquentent des écoles de qualité (infrastructure, l’enseignement). Pour briser les chaînes de la « transmission intergénérationnelle’ », il est judicieux de veiller sur l’équilibre d’une politique de l’éducation harmonieuse entre les régions, les groupements ethniques et religieux dans le respect de la parité filles/garçons,  de sorte qu’aucun de ces segment ne soit laissé à la traîne. Car, il ressort que si une croissance économique n’est pas équitablement partagée, elle obstrue les perspectives économiques, entraine le gâchis de talents et engendre le dysfonctionnement « des sociétés harmonieuses et pacifiques en entravant la mobilité sociale ».

Dans un avenir proche, la pauvreté pourrait être réduite d’une façon drastique si et seulement si nos économies parviennent à maintenir un taux de croissance supérieur à 7% selon des spécialistes. Pour y parvenir, selon les mêmes avis, l’investissement au niveau de l’énergie reste la clef de voûte. Le déficit énergétique constituant un frein au développement.

L’économie numérique, une aubaine

Si au 19ème siècle, pour rapprocher davantage les régions,  pour faciliter les déplacements à moindre coût,  on a créé le chemin de fer, aujourd’hui l’outil le plus performant pour faciliter les contacts, la transmission du savoir et les échanges commerciaux, c’est l’Internet et ses accessoires. Autrement dit le numérique. C’est par ce moyen qu’on est parvenu à vaincre le temps et l’espace en matière de communication et d’échanges des biens et services. L’accessibilité facile au téléphone mobile (plus d’un milliard de cartes SIM, 800 millions de mobiles) en Afrique a bouleversé la vie de nos populations. L’Internet plus rependu (507,9 millions d’internautes sur le continent soit 10,9% des internautes dans le monde en janvier 2021) offre des possibilités immenses pour une évolution rapide.

Maintenant, c’est dans le numérique que la connaissance se partage rapidement, les emplois se créent facilement, les innovations s’accélèrent avec prouesse notamment chez les jeunes qui ne manquent ni talent ni inspiration.

Les tenants du pouvoir décisionnel en Afrique doivent s’investir davantage pour une croissance rapide du numérique dans le continent en offrant des meilleures conditions d’accessibilité à l’Internet et à ses accessoires sans discrimination.

Comme aime dire le dirigeant guinéen, Alpha Condé, si l’Afrique a manqué la révolution industrielle, elle ne doit pas rater la révolution numérique parce qu’elle constitue une aubaine pour la jeunesse afin de combler le retard du continent. Pourvu que chacun en ait la conscience.

Oumar Kateb Yacine, consultant, analyste

Président de l’Institut Afrique Emergente

Courriel : yacinebah@gmail.com

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Last modified: 2 juin 2021

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