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Mines. Bauxite, contrats, audits : Les révélations du DG de la SOGUIPAMI

7 août 2025

Depuis plusieurs années, la SOGUIPAMI joue un rôle stratégique dans la gestion du patrimoine minier de l’État guinéen. À la tête de cette société publique, le Directeur Général, Aboubacar Kagbè Touré, revient dans cet entretien sur les enjeux de la commercialisation de la part étatique dans la CBG, les résultats financiers de l’institution, les défis rencontrés sur le marché,… L’occasion aussi de répondre aux critiques sur la transparence et de dévoiler les ambitions contenues dans le plan stratégique 2023-2027.

Guinee7.com: Depuis quand la SOGUIPAMI gère-t-elle la part de production de l’État au sein de la CBG ?

Aboubacar Kagbè Touré: Depuis 2016, la SOGUIPAMI assure la commercialisation des parts de minerais de l’État au sein de la CBG. La quantité allouée est de 250 000 tonnes par an, pouvant être portée à 300 000 tonnes en cas d’excédent de production.

Pourquoi seulement 300 000 tonnes de bauxite par an ? La CBG n’a-t-elle pas produit plus de 15 millions de tonnes l’année dernière ? Avec 49 % de participation, l’État ne devrait-il pas avoir davantage ?

Effectivement, sur le papier, avec 49 % de participation, la part de l’État devrait logiquement dépasser 600 000 tonnes par mois. Mais depuis longtemps, la Guinée n’enlève que 250 000 tonnes, portées à 300 000 tonnes en cas d’excédent.

Il faut rappeler que dans la convention de GAC (aujourd’hui abrogée), l’État avait attribué 3,5 millions de tonnes à cette société sur son quota. Cette allocation sera désormais redistribuée à tous les actionnaires. La part de l’État, qui n’a pas participé à l’extension, sera portée à 1,3 million de tonnes. GAC avait, en effet, financé une partie de l’extension contre l’allocation d’une portion du quota de l’État.

Quels bénéfices concrets l’État tire-t-il de cette prise en charge directe ?

En commercialisant la part de bauxite de l’État, la SOGUIPAMI perçoit un premium ou droit de commercialisation variant de 1 à 2 dollars par tonne. Il est important de préciser que le prix de vente de la bauxite est fixé par la CBG, pas par la SOGUIPAMI, qui conserve uniquement sa marge commerciale.

Comment la SOGUIPAMI procède-t-elle à la commercialisation ?

Les sociétés minières distribuent à chaque actionnaire une part de la production proportionnelle à sa participation au capital social (dans notre cas, 10 à 15 %). La SOGUIPAMI signe directement les contrats avec les sociétés minières, puis cherche des acheteurs selon l’offre et la demande du marché.

Pourquoi était-il difficile de trouver un nouvel acheteur après l’expiration du contrat avec DADCO ?

Lorsque nous avons signé avec DADCO, ils acceptaient de payer un premium de 4 dollars par tonne, en plus du prix CBG. Mais une fois le contrat arrivé à échéance, DADCO s’est tourné vers d’autres co-actionnaires qui leur offraient de la bauxite sans premium. Ils n’étaient donc plus intéressés par la part de l’État, qu’ils jugeaient trop coûteuse.

Nous avons alors cherché un nouvel acheteur, mais sans succès pendant près de deux ans. La capacité limitée du port de Kamsar ne permettait pas de charger les gros navires, et aucun partenaire ne voulait acheter la bauxite de l’État à un prix plus élevé, assorti d’un premium.

Pourquoi n’avez-vous pas vendu à GAC ?

GAC n’était pas intéressée à ce moment-là. Ce n’est qu’en 2024 que sa maison-mère, EGA, nous a approchés. Un contrat a été signé pour 300 000 tonnes, avec un premium réduit à 1 dollar, car les conditions du marché avaient évolué.

Mais EGA n’a pu exécuter qu’une seule livraison. À cette période, l’État avait engagé un contentieux avec GAC pour non-réalisation de la raffinerie, et envisageait de lui retirer sa concession. En conséquence, l’État a interdit à EGA de charger des bateaux en Guinée.

Nous nous sommes retrouvés avec un contrat valide mais inexécutable. Finalement, une société qui n’était même pas co-actionnaire dans AOS s’est proposée et a accepté les mêmes conditions. Elle a été introduite à AOS en 2024.

Ce ne fut pas simple. Certains partenaires étaient réticents à l’idée qu’un nouvel acteur opère sans être actionnaire. Après de longues négociations et l’exigence d’une caution de 2 millions de dollars, ainsi que le paiement immédiat des factures, cette jeune entreprise guinéenne a rempli toutes les conditions. Aujourd’hui, c’est elle qui évacue les 250 000 tonnes pour les vendre.

Pourquoi la SOGUIPAMI a-t-elle perdu ses permis miniers ?

Il s’agit d’une erreur administrative. Les permis concernés étaient en cours de renouvellement. L’administration a décidé de retirer l’ensemble des permis en attente, sans distinction, y compris ceux de la SOGUIPAMI.

Nous avions pourtant déposé tous les documents dans les délais. Nous avons introduit un recours dans les 60 jours qui ont suivi. Nous attendons la suite.

Êtes-vous consultés avant l’octroi des permis miniers ?

Bon, nous pensons qu’on devrait nous consulter.

Pourquoi la SOGUIPAMI ne gère-t-elle pas les intérêts de la Guinée dans Simandou ?

Dans le projet Simandou, les parts de l’Etat dans les mines sont bien gérées sont bien au nom de la SOGUIPAMI. Cependant, une société distincte a été créée pour gérer les infrastructures (chemin de fer, port). Celle-ci est détenue directement par l’État. Le code minier ne prévoit pas que la SOGUIPAMI soit actionnaire dans les infrastructures. Nous gérons uniquement la participation dans les mines.

Quels résultats financiers récents pouvez-vous partager avec les citoyens ?

Voici la contribution de la SOGUIPAMI au budget national (impôts et dividendes compris) :
– 2019 : 10,25 milliards GNF
– 2020 : 13,06 milliards GNF
– 2021 : 17,04 milliards GNF
– 2022 : 85,37 milliards GNF
– 2023 : 103,55 milliards GNF
– 2024 : 103,71 milliards GNF

Comment répondez-vous aux critiques sur le manque de transparence ?

Nous avons été salués par le NRGI et l’ITIE pour la qualité de nos rapports. Tous les documents (rapports d’activités, PV du Conseil d’Administration, etc.) sont consultables sur notre site officiel.

La SOGUIPAMI est-elle auditée ?

Oui. Nos comptes sont certifiés chaque année sans réserve par un commissaire aux comptes. La Cour des comptes a également audité cinq exercices et confirmé notre bonne gestion, tout en formulant des recommandations.

Les communautés locales bénéficient-elles des revenus ?

Bien que la SOGUIPAMI ne détienne plus de permis à son nom, nous apportons ponctuellement un soutien aux communautés, notamment autour des sites miniers.

Quelles sont vos priorités stratégiques à moyen terme ?

Le plan stratégique 2023-2027, validé par notre Conseil d’administration, prévoit :
– La transformation en société minière avec développement de permis bauxite et or
– La vente directe de minerai, sans passer par le système de compensation
– L’exercice du droit de transport de l’État à travers GUITRAM, notre filiale
– La création d’une société de transport terrestre de minerai
Grâce à ces mesures, notre chiffre d’affaires a déjà triplé.

Quel message souhaitez-vous adresser aux Guinéens ?

Les ressources minières de notre pays sont gérées par le ministère des Mines et de la Géologie. La SOGUIPAMI, quant à elle, administre les participations de l’État afin d’assurer une meilleure rentabilité et des revenus conséquents pour le Trésor public.

Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré

Last modified: 7 août 2025

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